Message de ma mère

      9 commentaires sur Message de ma mère

(Quelques temps après la mise en ligne du blog, ma mère m’a écrit ce message, pour pouvoir témoigner ici, et aussi s’adresser directement aux parents de malades.)

Ma chérie,

Puisque ce blog a notamment pour but d’aider les malades par l’échange de la parole, j’aimerais que tu me permettes de contribuer à ton action en publiant ce message car je pense qu’il pourrait sensibiliser les parents d’enfants atteint de maladies invisibles sur les erreurs que nous avons commises et la façon dont nous en avons pris conscience. Je comprendrais aussi que tu ne le fasses pas. C’est ton blog, ce n’est pas le mien. Je te laisse seule juge.

Combien de fois depuis ton adolescence t’ai-je traité de feignasse? Combien de fois t’ai-je fais du chantage avec tes activités alors que tu n’étais juste pas capable de t’en occuper? Combien de fois t’ai-je comparé à ce que nous étions à ton âge? Et la fois où, essayant de te faire travailler j’ai fini par envoyer ton cartable à travers le salon parce que je ne supportais plus de te sentir ailleurs, je-m’en-foutiste, alors que tu essayais seulement vainement de te concentrer? Et la fois où tu m’as appelé affolée parce que tu n’avais pas réussi à te lever pour ton BTS blanc et où je t’ai hurlé dessus au téléphone en te traitant d’irresponsable alors que tu attendais juste que je te rassure…

Le diagnostic a été long, certainement beaucoup trop long de ton point de vue, mais pas tant si je comprends bien comparé à d’autres. Et heureusement. Au lieu de tout mettre sur le dos de « ces nouveaux adolescents », nous aurions dû te faire davantage confiance. J’aurais dû te faire davantage confiance et comprendre que tout cela n’était pas normal. Je le regrette.

Ce que je veux dire aux parents, avec le recul que j’ai maintenant, c’est qu’une fois que le diagnostic de maladie chronique invalidante tombe, quelle que soit la pathologie, la première chose à faire c’est de l’accepter et d’aider son enfant à le faire. Car plus vite on accepte cet état de fait, plus vite on cherche à mettre en place des moyens pour essayer de faire face aux handicaps au quotidien, plutôt que de ne pas agir en espérant que ça s’arrange. Dans ton cas c’est toi qui nous a aidé car tu as tout de suite été très lucide sur ton état. Et ça aussi ça peut choquer les professionnels.

La deuxième chose à faire c’est de se renseigner de façon la plus exhaustive possible sur la maladie en cause pour pouvoir aider son enfant, et surtout arrêter de le culpabiliser. Dans ton cas, s’agissant d’une hypersomnie idiopathique c’est la thèse de Cyrille Vernet qui m’a ouvert les yeux, et c’est toi qui me l’a fait connaitre. Et l’article conseil pour les parents de son site « Hypersomnies.fr » m’a permis de réaliser toutes les erreurs qu’il fallait éviter et que nous avions commises. Diffuser ces articles à tes grands parents a contribué aussi je l’espère à faciliter votre communication sur le sujet, en tout cas, a diminué leur peur par rapport à ton état. Car il ne faut pas oublier de dire que la maladie fait peur et qu’elle culpabilise aussi.

La troisième chose à faire, après avoir accepté et compris la pathologie, c’est d’en être témoin si nécessaire dans toutes les démarches de son enfant. Tu as raison, les pathologies rares sont mal comprises et mal appréhendées y compris par les médecins y compris par les spécialistes. Ce n’est pas forcément évidement pour un jeune adulte de se faire accompagner pour les rendez vous de la médecine du travail, de la sécurité sociale, ou autre, mais si ceux là se passent mal, il faut que le parent soit prêt à accompagner son enfant pour témoigner de la réalité de son état au quotidien et que l’enfant soit capable de demander à ses proches de l’accompagner. Il est en effet inacceptable d’entendre dire « pourtant quand je vous vois vous avez l’air en grande forme », « j’en connais qui ont un cancer et qui sont plus vaillant que vous » etc… Comment peut on réagir seul face à ce genre de jugement émis par des professionnels alors qu’on se sent déjà coupable de ne pas être comme tout le monde et que l’on est fragilisé par son état, alors qu’il est par ailleurs exténuant d’avoir à se justifier en permanence?

Il faut beaucoup de courage pour vivre avec une maladie chronique. J’espère que ton blog aura une longue vie et qu’il aidera d’autres malades chroniques à mieux vivre.

Moi il m’a déjà appris qu’il existait une journée des maladies rares. Il n’est jamais trop tard pour s’informer…

Il me tarde de lire les prochains articles.

Bisous

Maman

9 thoughts on “Message de ma mère

  1. Dull

    C’est encore un chouette article, remettant en cause l’approche qu’on a par rapport aux malades, et notre perception des autres,
    Merci!

    Longue vie au Blog !

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  2. Archibuteo

    C’est un très beau geste de donner ici et si rapidement la parole à ta maman. Merci à elle de s’être livrée de la sorte, honnêtement et sans honte. Il n’est pas toujours facile de se dire désolée et de regretter ses actes.
    Je suis certaine que ce message plutôt didactique parlera à de nombreux parents (au premier degré ou non) de malades. Il est très clair, serein, et expose malgré tout des événements ignobles : je pense aux soit disant professionnels qui osent remettre en question ta souffrance ou tes difficultés quotidiennes !
    Ça n’a pas du etre simple pour toi, de vivre cette lutte avec tes proches, quand demander du réconfort fait recevoir des mots blessants. Comment prouver, toujours, qu’on a bien un problème et comment l’accepter quand les autres semblent le nier ?
    Super article qui donne à réfléchir..

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  3. Aslik

    C’est un très beau message de soutien et c’est touchant que tu aies décidé de le partager ici. Oui, il y a des regrets, des erreurs commises, mais on sent une envie de surpasser tout ça, de rattraper le temps perdu en quelque sorte et par dessus tout, transmettre et sensibiliser pour véhiculer du soutien et du positif, et ça prend au final le dessus sur tout le reste.

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  4. Lafee

    Très beau témoignage. Merci de le partager avec nous. Je suis moi même maman et il n’est pas toujours facile de savoir quoi dire ou quoi faire pour aider un proche malade chronique. je suis donc allé visiter le site de Cyrille Vernet et ses conseils aux parents qui , si ils concernent en particulier l’hypersomnie, sont valables de mon point de vue pour toutes les maladies chroniques invalidantes. Il a une formule très interessante que je me permets de reproduire ici:

    « en tant que parent vous avez une capacité formidable de l’aider ( votre enfant) en le laissant libre. C’est à dire que vous l’aiderez vraiment en lui laissant essayer de trouver ce qui lui convient et en le soutenant »

    Pas facile de laisser le contrôle à son enfant , mais pourtant dans ces circonstances indispensable.
    Cet article nous fera méditer. ..

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    1. Sam H.I. Post author

      Merci beaucoup pour ce commentaire!

      Cette phrase est en effet la plus importante à mon avis; je l’ai vécu, face à la maladie, les proches peuvent se sentir impuissants, et paradoxalement, ce sont ceux qui sont le plus proches qui souffrent le plus de ce sentiment. Pourquoi paradoxalement? Parce que personne, aucun médecin, aucune assistante sociale, aucun professionnel de n’importe quel ordre n’aura jamais autant de pouvoir pour aider une personne malade que la famille, à plus forte raison les parents.

      Cette phrase, pour moi, parle beaucoup plus de l’acceptation que de n’importe quelle sorte d’aménagement; et on a désespérément besoin du regard indulgent de nos proches et de nos parents, quel que soit notre age, je pense, pour pouvoir accepter, pour faire la paix avec la maladie. La culpabilité, et nous aurons l’occasion d’en reparler ici, est le pire de symptômes de n’importe quelle maladie invalidante. Laisser son enfant gérer, en le « soutenant » (pas l’encourager, le conseiller, non non), c’est reconnaitre que lui seul sait ce qu’il lui faut, c’est lui faire confiance, lui laisser le champ libre pour qu’il puisse s’inquiéter seulement du nécessaire: sa santé et son équilibre… Et c’est aussi s’aider soi-même, quand on se rend compte qu’avec un peu de temps et de confiance, le malade peut aussi nous faire voir qu’au fond, la maladie n’est pas une ennemie, et qu’il a toutes les ressources pour vivre avec en étant heureux (c’est réellement une certitude que j’ai) pourvu qu’on les laisse se révéler… 🙂

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  5. Narik

    Le genre de lecture qui fait du bien.
    Big up à la maman qui réalise l’impensable pour beaucoup de nos aînés : reconnaître ses tords, faire profil bas, faire confiance à la nouvelle génération et la soutenir.
    Que personne ne le prenne mal hein, mais c’est grâce aux erreurs des vieux schnocks que les jeunes cons pourront peut être éviter le mur qu’on nous promet depuis bien longtemps.

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    1. Sam H.I. Post author

      Les vieux sont shnocks, les jeunes sont cons ; euh, c’est violent, mais ok !
      Et pour le fond je pense qu’en effet on a tous à apprendre les uns des autres, pour le meilleur…

      Merci pour ton commentaire

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  6. Lafee

    J’ai bien peur que les vieux schnok d’aujourd’hui n’aient fait que reproduire les erreurs des vieux chnok que furent leurs parents

    Espérons que votre génération fasse mieux

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