Quand on vit avec une maladie chronique, il faut, bien sûr, l’accepter et trouver des moyens de continuer à vivre avec. Mais il faut aussi que nos proches apprennent à l’accepter, à comprendre notre réalité, et ce qui a changé depuis que notre situation s’est aggravée, qu’un diagnostic a été posé. Amis, famille, collègues… Tous présenterons différentes réactions, et essaieront, pour certains (la majorité, si on a de la chance) de s’y adapter. Recevoir du soutien, être compris, c’est primordial pour un spoonie. En particulier pendant l’appropriation de notre maladie, quand tout change dans notre vie…
Pourtant, parfois, même avec les meilleures intentions, ceux qui nous entourent tapent à côté, et ça fait plus de mal que de bien. Vouloir en faire trop, s’inquiéter à outrance, ne pas se rendre compte de certaines contraintes… Pas facile de se mettre à la place d’une personne atteinte d’un handicap invisible. Pas facile de comprendre ce qu’on ne vit pas… Et pas facile, quand on est soi-même les deux pieds dans la gestion d’une santé hasardeuse, de faire de la sensibilisation auprès de tout ceux qui voudraient bien faire autour de nous.
Alors j’ai relevé certaines phrases, certains de ces mots gentils dont je me serais bien passée, pour essayer de les décortiquer, d’expliquer pourquoi ils ne sont pas forcément anodins. Je me suis concentrée ici sur des remarques faites en toute bienveillance, mais qui peuvent être douloureuses, voire violentes. En cela, c’est avant tout aux proches des malades chroniques que cet article s’adresse. J’espère qu’il vous permettra de mieux comprendre notre réalité, et de mesurer l’impact de certains m(aux)ots.
Et aux autres spoonies, si vous avez des phrases de ce genre à ajouter, l’espace commentaire est là pour ça ! Cet article ne sera surement pas le dernier du genre.
« Repose-toi bien, comme ça on remet ça à demain, en pleine forme ! »
On commence doucement, mais celle-là, je l’ai pas mal entendue. Sans parler de l’emploi de « en pleine forme », qui peut quand même faire un pincement au cœur vu que même dans nos meilleurs jours, on est loin d’une forme olympique, c’est plutôt l’attente sous-entendue dans cette phrase qui pose problème. Un spoonie n’a aucun moyen de savoir si il sera en forme, ni lundi, ni mardi, ni dans 3 semaines, ni dans 1 ans, et ce, même si il passait ladite année à ne rien faire qu’essayer de se reposer.
Notre santé, notre niveau d’énergie, notre stock de cuillères ne fonctionne pas comme celui d’une personne qui n’est pas malade. Notre état est, certes, absolument dépendant de nos activités, de la dose de réserves que l’on va puiser, mais il est en même temps indépendant de notre « repos ». Oui, c’est absurde. Et c’est bien ça qui est difficile. Cette phrase est principalement culpabilisante, parce qu’elle renvoie à notre incapacité à prévoir et à avoir le contrôle sur notre état, et alimente la peur de ne pas être à la hauteur des espérances des autres.
À la place, pourquoi ne pas dire: « On peut remettre ça, si tu le sens, tu me dis ! » En laissant ainsi la porte ouverte, vous dédouanez la personne malade de la responsabilité de devoir assurer quelque chose sur laquelle elle ne peut avoir de prise. Et vous lui évitez de devoir annuler un rendez-vous pour lequel elle ne sait pas si elle sera en état, au passage !
« Tu as l’air particulièrement mal en point, en ce moment » ou « j’ai l’impression que tu es pire qu’avant »
Ce genre de réflexions vient souvent de la famille. Elles témoignent maladroitement une inquiétude et un intérêt pour la personne malade. C’est en quelque sorte un moyen de montrer du soutien. Pourtant, c’est tout à fait le contraire qui en ressort.
Effectivement, quand on est atteint d’une maladie chronique, on est globalement pas en forme, tout le temps, même si on le cache tant qu’on peut. Et il y a des moments, souvent, qui sont bien pire que les autres. Besoin de récupération, symptômes plus forts, contre-coup d’un sacrifice d’énergie, ou simplement évaporation spontanée de cuillères ; ces phases difficiles sont inévitables, elles sont de durée et d’intensité variable, et font pleinement partie de la vie du malade chronique. Passer 3 semaines à être incapable de quoi que ce soit, rester chez soi, isolé, à tenter tant que possible de se reposer sans voir de mieux jour après jour, prendre sur soi en regardant le monde exister sans nous, se sentir profondément diminué… C’est pour maintenir le plus possible cet état à distance qu’une personne malade doit apprendre chaque jour à faire les bons choix, à faire des sacrifices injustes, tout en sachant que ça arrivera de toute façon, tôt ou tard. Ça durera quelques jours, quelques semaines, ou même quelque mois, et ce sera incompressible. Il faudra, une fois encore, faire avec en essayant de garder le moral.
Alors faire ce genre de remarque à un spoonie n’a aucun intérêt à part l’enfoncer. C’est aussi valable pour les conseils associés: « tu allais beaucoup mieux la semaine dernière, ne te laisse pas aller ! » Si vous ne savez pas ce que c’est de vous battre pour aller jusqu’à la cuisine et vous forcer à avaler ce qui vous passe sous la main, vite, avant de n’en être plus capable ; alors considérez simplement qu’il vaut mieux vous taire que de donner ce genre de conseils quant au « laisser aller », qui montrent au mieux de l’ignorance, et au pire sonnent comme du mépris.
À la place : Si il vous semble que la personne malade est dans une mauvaise passe, commencez par essayer de ne pas vous faire de films ; être très mou, isolé et mal en point, pour quelqu’un qui vit avec une maladie chronique invalidante, ne veut pas dire être déprimé, triste, ou découragé, c’est simplement une souffrance et un épuisement très intense, que vous ne pouvez pas connaître tant que vous ne l’avez pas vécu.
De plus, ce n’est pas parce que vous remarquez cette fois là que quelque chose ne va pas que c’est inédit : un spoonie ne va jamais parfaitement bien, même quand il vous dit « je vais bien », même quand il sourit, même quand il vous a l’air tout à fait normal. La maladie n’est pas présente que quand vous la voyez. Essayez de contrôler votre inquiétude, et de ne pas l’imposer à quelqu’un qui n’en a vraiment pas besoin. Autrement tout ce que vous gagnerez, c’est que le spoonie vous cachera les moments où il ne va pas bien, y compris si il a éventuellement besoin d’aide.
Si vous voulez montrer du soutien, ou si vous êtes inquiet, demandez simplement comment la personne se sent, et si elle laisse entendre qu’elle est fatiguée, proposez un peu d’aide si vous voulez ; mais sachez que peut-être, la seule aide qui vous sera demandée sera de laisser la personne tranquille quelques temps.
« Ça va mieux ? »
Celle-là est très délicate. Bien sûr, si la personne avait une grosse « crise », des symptômes inédits pour une raison précise et identifiée, ou un problème avec un traitement, bref, quelque chose de clairement ponctuel et passager, vous pouvez évidemment demander si « ça va mieux », quelques temps après.
Mais si j’ai voulu attirer l’attention sur cette toute petite question, c’est qu’elle est très souvent posée maladroitement. C’est d’autant plus vrai au début de la maladie, ou dans les mois suivants le diagnostic ; l’état de la personne malade se détériore, peut-être qu’elle est forcée, par la progression de la maladie, à arrêter son travail, elle commence à expliquer autour d’elle que ça ne va pas, qu’elle est atteinte d’une maladie chronique, et dévoile ses symptômes et la réalité de son état. A la suite de ça, l’entourage ne pourra pas s’empêcher de demander si « ça va mieux » par exemple quand la personne reste à la maison pour tenter de se reposer, voir de s’étonner que « ça n’aille pas mieux ». Et c’est très douloureux pour un spoonie.
Parce que, non, ça ne va pas mieux, et à priori, ça n’ira jamais mieux. C’est le principe d’une maladie chronique. Elle est chronique, elle ne guérit pas, elle ne passe pas, et ce n’est pas parce que certains (rares) jours sont meilleurs que d’autres (ou simplement qu’on cache mieux la douleur certaines fois que d’autres) que ce sont des jours où « ça va mieux », non. Ce sont les hauts qui impliquent les bas, ce sont les remous de la maladie, qui est là tout le temps, y compris dans les meilleurs moments. Elle n’est pas moins présente quand on rit. Quand on souffre d’une maladie chronique invalidante, ça ne va jamais vraiment « mieux ». Et le plus triste, c’est que ce que certains prendraient pour des moments de « mieux » sont souvent des moments de « moins pire », des moments de sursit. Il n’y a pas de raison de célébrer le « moins pire », d’autant que, fatalement, il précède toujours le « pire », comme le « pire » le précède.
Alors quand quelqu’un demande si « ça va mieux » ou s’étonne que ce ne soit pas le cas, le spoonie peut se sentir incompris, ou souffrir de se voir rappeler qu’il ne peut pas « aller mieux ». Ça peut faire ressurgir cette culpabilité, ce sentiment de décevoir les autres qui attendent de nous que notre santé s’améliore, alors que… Nous aussi, on voudrait bien que la réalité soit différente.
À part dans un cas particulier (problème de traitement, accident, crise aiguë, bref, une situation qui peut être résolue et donc « aller mieux »), évitez simplement de demander à une personne atteinte de maladie chronique si elle va mieux.
Il n’y a rien à dire à la place, essayez simplement d’accepter que le « aller mieux », dans la maladie chronique, n’existe pas. Nous sommes forcés de l’accepter tous les jours, quand on vit avec ; c’est dur, mais si vous êtes proche d’une personne malade, vous devrez apprendre à le faire aussi.
« Coucou ! Tu veux aller faire du shopping / aller au Resto / aller à la plage / faire un ciné ? Non ? C’est sur ? Allez, c’est dommage ! »
Alors évidemment, il n’y a aucun problème à inviter à spoonie et à lui proposer de faire des activités sympa avec vous. Bien au contraire ! Mais voilà ; souvent, à cause de notre santé, on n’est pas en état. On doit refuser des invitations à faire telle ou telle chose, alors que, croyez moi, on a envie de les faire. On a envie de vous dire « oui, youpi ! », surtout que nos quotidiens sont parfois loin d’être palpitants. Mais notre santé nous l’interdit, alors on doit dire non.
Et c’est déjà difficile de répondre « Non » à une question qui commence par « tu veux..? » Parce que ce n’est pas vraiment la question. Parce que, oui, on veut. Parfois on veut accepter la moindre petite sortie, juste pour ne pas se sentir prisonnier de notre santé foireuse. Vous n’imaginez pas ce que la plupart d’entre nous donneraient pour quelques cuillères, pour pouvoir vous dire « oui ».
Mais en plus, il arrive, par malheur, quand on répond « non, je peux pas en ce moment, désolé… » Que notre interlocuteur insiste, en nous expliquant qu’on se reposera plus tard, que ça nous fera du bien, ou autre, en ayant le sentiment de ne rien dire de « méchant ». Voire qu’il manifeste sa déception sous la forme d’un léger reproche. Comme si ça dépendait de nous, de notre bonne volonté. Nous amenant à nous justifier, à répéter « non, je peux pas, je voudrais vraiment, mais un autre jour, j’espère ? » On essaie de faire comprendre que ce n’est pas une question de volonté, qu’on voudrait vraiment pouvoir. Et on précise bien qu’on est reconnaissant de la proposition, pour éviter le deuxième effet Kiss Cool de ces situations : qu’on finisse par ne plus nous inviter, ne plus rien nous proposer, parce que c’est trop compliqué de gérer nos annulations, ou qu’on est trop contrariant. Oui, ça arrive, vraiment. Souvent. Et oui, ça craint.
Quand on vit avec un handicap, on se sent déjà privé au quotidien de tout un tas de choses qui sont simples et acquises pour les autres. Alors devoir se justifier quand on renonce une occasion à laquelle on veut pouvoir participer, c’est vraiment pas sympa. Imaginez agiter un saladier de fraises au sucre devant le nez de quelqu’un qui meurt de faim, mais qui est allergique aux fraises. Imaginez insister et « l’encourager » quand il vous dit, retenant peut-être une larme amère, qu’il voudrait vraiment en manger avec vous, mais qu’il ne peut pas. Vous voyez l’idée ?
À la place : Si un spoonie refuse une proposition pour une occasion sociale, une sortie ou autre, sachez que c’est probablement plus difficile pour lui que vous ne l’imaginez. Et si vous avez l’impression que son état n’est pas si terrible que ça, sachez aussi que c’est parce qu’il minimise probablement ses difficultés pour vous préserver (et se préserver de votre réaction). Sachez qu’il a pesé le pour et le contre, qu’il sait ce qu’il dit. Si il refuse ou s’il annule, c’est qu’il ne peut pas. N’insistez pas, ne faites pas comme si ça dépendait de lui, car vous n’imaginez pas à quel point c’est violent. Ne lui demandez pas de faire un effort pour vous, ne le culpabilisez pas ! Essayez au contraire d’être prévenant, de montrer que ce n’est pas grave, proposez éventuellement (et sans insister !) autre chose de plus accessible, comme venir lui rendre visite à son domicile, ou même un appel téléphonique.
Une grosse pensée pour mes amis, qui continuent à me proposer des activités et à m’inviter malgré mes fréquentes annulations, à me proposer une solution de secours à chaque fois, sans jamais me faire sentir coupable, et en étant toujours à mes côtés comme ils le peuvent avec ce que je peux. Vous êtes les meilleurs.
« Ne t’en fais pas, c’est sur que les médecins vont trouver quelque chose pour te guérir. La science fait des progrès tous les jours ! »
Là, c’est vraiment simple : si vous dites ça pour rassurer une personne malade, c’est un des pires choses à faire, à moins que cette personne soit encore dans le déni, auquel cas, ça ne ferait que l’y conforter, ce qui est… une des pires choses à faire.
Je sais, comme le savent tout ceux qui ont entendu ces mots après leur diagnostic, qu’ils sont bienveillants, et se veulent porteurs d’espoir. Ils sont fait pour « remonter le moral » ou « redonner du courage ». Mais rendez-vous compte d’une chose : si vous pouvez dire ces mots aussi naïvement, c’est parce que le handicap de la personne en face de vous, vous ne le voyez pas. Et comme vous ne le voyez pas, vous pouvez négocier avec sa réalité, son importance, sa réversibilité, quand bien même vous êtes informé de la nature chronique ou de la situation à priori incurable de la maladie. Je ne dis pas que c’est consciemment fait, mais c’est la réalité. Pour preuve, il suffit, et je vous encourage à le faire dès qu’il vous prend l’envie de prononcer un mot hasardeux à l’intention d’une personne atteinte d’un handicap invisible, de faire une comparaison avec le handicap physique visible.
Je vais tenter une métaphore : Imaginez que cette maladie chronique qui s’est révélée chez ce proche, c’est une sorte de gangrène qui lui a rongé peu à peu les deux jambes, jusqu’à atteindre le niveau des cuisses. C’est pas facile à vivre, et arrivé au stade de l’aggravation des symptômes et du diagnostic, elle ne peut plus l’ignorer, le cacher sous des pantalons et essayer de faire comme avant ; il faut lui couper les lambeaux de jambes qui restent, et la personne ne peut plus marcher. Elle est, effectivement, découragée, triste, en colère, effrayée.
Elle se demande comment elle va faire, comment elle va pouvoir dépasser cette réalité qu’elle ne peut à présent plus nier, et comment elle va pouvoir s’adapter (parce qu’elle se rend bien compte qu’elle va devoir s’adapter). Vous percevez et entendez ses angoisses, ses questionnements qui n’ont pas de réponse. Vous voudriez l’aider, vous voudriez que les choses soient autrement, peut-être avez-vous, vous même, du mal à accepter qu’il n’y a pas d’issue. Et là, pour lui remonter le moral, vous lui dites: « ne t’en fais pas, c’est sur que les médecins vont trouver une solution pour tout arranger ! La science est en perpétuelle évolution ! » Sachant que vous lui parlez des mêmes médecins qui ont constaté l’état irréversible de ses restes de jambes, et l’ont redirigé vers des organismes de compensation du handicap et des assistants sociaux.
Vous avez face à vous une personne qui doit accepter et apprendre à gérer une situation difficile et douloureuse. Et vous lui promettez, puisque les jambes ne peuvent jusqu’à preuve du contraire pas repousser (dans la métaphore, le diagnostic « chronique » a bien été posé), un miracle. Et le spoonie, quelle que soit la réaction visible qu’il fera l’effort d’avoir face à ce que vous voulez être une aide morale, ne se sentira pas vraiment mieux. Il pourra avoir tout simplement l’impression que vous minimisez le problème. Il peut aussi être intérieurement révolté de voir que pour vous, l’espoir en un hypothétique miracle serait suffisant pour compenser la perte injuste de ses projets, de ses rêves, bref, d’un tas d’aspects de sa vie à cause de la maladie.
À la place : si un spoonie ressent le besoin de parler avec vous, d’exposer la difficulté de sa situation, écoutez-le, pour commencer. Selon vos moyens, vous pouvez soit compatir, ce qui le fera se sentir entendu, et plus léger ; soit, si vous y tenez, vous pouvez prudemment tenter de l’encourager, mais sans pour autant nier la réalité immédiate et durable de son état. Par exemple, vous pouvez lui dire que vous serez là pour l’aider à mettre en oeuvre les solutions qu’il pourrait trouver, lui rappeler qu’il n’est pas seul, témoigner tout simplement du soutien. Parce que c’est la seule chose que vous pouvez faire. S’il vous plait, rendez-vous compte de ça.
« Pourquoi tu ne m’as pas demandé de t’aider à faire les courses / le ménage / promener ton chien ? C’est idiot, ça t’aurais facilité la vie ! » Ou, version des parents : « Si tu venais habiter à la maison, on pourrait t’aider, tu n’aurais plus rien à faire, tu te sentirais mieux ! »
À votre avis, que se passe-t-il dans la tête d’une personne quand elle apprend, en allant consulter des spécialistes, faire des examens… que les symptômes qui l’ont amenée à faire tout ça n’allaient pas s’arrêter ? Qu’elle serait à priori toujours malade ? Qu’elle allait devoir vivre avec ? Qu’on lui parle de statut handicapé, d’aménagement de travail, d’aides sociales ? En gros, quand on lui annonce que sa vie va être et rester limitée, et qu’elle devra faire des sacrifices, des compromis, parce qu’une maladie lui est tombée dessus, PAF, sans raison ?
S’il faut vraiment que j’essaie de l’expliquer, je dirais que cette personne se sent privée de sa liberté, de ses perspectives, parfois elle se retrouve même privée d’aspects entiers de sa vie. Et elle sait qu’il va falloir que la vie continue quand même, et qu’elle apprenne à s’adapter, aussi pénible ou hasardeux que ça puisse être. Elle sait aussi, parfaitement, qu’elle se retrouve nécessairement plus dépendante. Dépendante d’aides sociales, dépendantes d’aides professionnelles, d’aides de ses proches. Ce n’est pas un sentiment facile. C’est une chose très difficile, en fait.
Un spoonie apprendra à demander de l’aide, et, très tôt, il le fera. Pour des petites choses, et peut-être qu’alors vous aurez l’impression que vous ne l’aidez pas assez. Vous voudrez en faire plus, vous insisterez, sans vous rendre compte que vous proposez de l’aide pour une chose que le spoonie doit faire lui même, ou veut faire lui même, voire une chose pour laquelle il n’a pas besoin d’aide. Vous irez souvent, sans vous en rendre compte, jusqu’à reprocher au spoonie de ne pas vous avoir demandé de l’aide, plus poussé par votre besoin d’être utile que par autre chose.
Vous savez, quand on est incapable d’aller jusqu’au magasin et qu’on n’a plus rien à bouffer, on est pas complètement idiots, on demande à quelqu’un de nous y conduire, ou de nous apporter des courses. Mais quand on est capable de le faire, et surtout pour des choses qui nous plaisent particulièrement (bon, ok, moi c’est pas les courses) : on y tient. On tient à le faire nous même, on tient à y arriver, parce que, oui, OUI, naturellement que parfois c’est très difficile et pénible physiquement de faire tant d’effort pour telle ou telle tache, mais détrompez-vous si vous pensez que déléguer sa propre vie, se sentir incapable et dépendant, est moins pénible, difficile et nocif psychologiquement. Surtout quand on doit apprendre à gérer un handicap, c’est à dire quelque chose que, de toute façon, personne ne pourra jamais porter pour nous.
Ne demandez pas « pourquoi » un spoonie ne vous a pas demandé d’aide pour ceci ou pour cela : il ne vous en a pas demandé parce qu’il n’en veut pas. Déménager, se faire conduire en permanence, ne plus faire de lessive, de ménage chez soi, se sentir forcé à accepter des coups de mains dont on ne veut pas vraiment… Ce n’est plus « recevoir de l’aide ». C’est se faire assister, se faire déposséder de sa vie. Dur à vivre quand on se sent déjà dépossédé de notre santé.
À la place : Vouloir aider un proche spoonie, c’est vraiment génial, et c’est indispensable. Vous, moi, lui / elle / iel, le savons. Mais ce n’est pas la peine d’en faire trop. Ne laissez pas votre inquiétude ou votre peur d’être impuissant prendre le pas sur la liberté et le minimum d’indépendance qui reste au spoonie. Proposer de l’aide n’est pas sensé être envahissant. Dites que vous êtes disponible, dites que vous pouvez, au besoin, aider pour telle ou telle tache, ou à tel moment. Dites-lui de ne pas hésiter à vous demander, que vous êtes là. Croyez-moi : quand vous le dites, on vous entend. On a même une petite liste dans notre tête, des gens qu’on peut appeler à l’aide en cas de nécessité.
« Tu n’est pas ta maladie, et elle n’est pas toi. Il ne faut pas désespérer / baisser les bras ! »
Pour celle-ci, j’insiste sur le fait que je parle de cas semblable au mien, comme pour la majorité des maladies chroniques et maladies rares qui sont le sujet de ce blog, c’est à dire des affections sans pistes de guérison à l’heure actuelle.
Aie aie aie… Là, c’est le genre bien violent qu’on entend parfois dans les premiers temps après le diagnostic… Alors, bon, admettons que : si cette phrase est prononcée dans un contexte précis où elle veut dire quelque chose comme » On t’aime comme tu es, tu n’est pas RÉDUCTIBLE À la maladie », même si, personnellement, je vois pas du tout l’intérêt de le dire (on est tous au courant de ça et je connais personne qui se réduise à une maladie…), ça peut n’être pas blessant. Malheureusement, je n’ai jamais entendu la version « réductible à » de cette phrase, et je ne l’ai jamais entendu dans un contexte où elle aurait un sens. Je ne suis pas ma maladie… Certes, et ? Qu’est-ce que ça veut dire ?
Cette petite phrase « tu n’es pas ta maladie », on peut l’entendre quand on est dans des phases difficiles, quand on parle de ce qu’on ressent, quand on exprime ces choses qu’ils faut absolument exprimer : nos doutes, nos questionnements, nos peurs concernant notre avenir, notre situation, nos projets. Et alors, je ne comprends vraiment pas à quoi elle sert, sinon à faire taire la personne malade, du genre « parle un peu d’autre chose, s’il te plait, fait la part entre ta vie et la maladie. » Absurde, pas vrai ?
Je pense que les personnes qui disent, face à une personne malade, « tu n’es pas ta maladie, elle n’est pas toi », et c’est encore plus évident quand elles ajoutent « il ne faut pas baisser les bras », sont dans le déni, et ont simplement peur. Soit peur de voir changer la personne qu’ils apprécient à cause de la maladie, ou peur de s’y retrouver confronté, peur de l’accepter. Le truc, c’est que souffrir des symptômes d’une maladie chronique, ou se soucier de ses conséquences sur notre vie, ce n’est pas baisser les bras, bien au contraire. C’est normal et tout ce qu’il y a de plus nécessaire, surtout au début, quand tout nous tombe dessus d’un coup. C’est, pour moi, une phrase qui veut essayer de faire croire qu’il est possible de dissocier une maladie chronique invalidante de son porteur. De l’isoler, pourquoi pas de la contrôler… Voire de la vaincre? Mais dans le cadre d’une affection chronique incurable, c’est à priori impossible (c’est dans l’intitulé. « chronique » et « incurable ». Si vous avez suivi).
Je ne suis ni « ma », ni « une » (?) maladie, et je ne l’ai jamais prétendu, et je ne me suis jamais réduite à ça, comme la plupart des personnes malades. Maintenant : La maladie avec laquelle je vis a-t-elle influencé la façon dont je me suis construite ? Oui. Elle évolue depuis des années avec moi, bien avant même que je sache qu’elle existe. Cette maladie a-t-elle une place importante dans ma vie ? Oui. Elle a des impacts tous les jours sur mes capacités ou sur comment je me sens. A-t-elle un rôle à jouer dans ma personnalité ? Oui. Dans mon développement ? Oui. Dans mes choix ? Oui. Dans mon rapport à moi même ? Oui. Dans mon rapport aux autres ? Oui. Dans mes limites ? Oui. Dans mon travail ? Oui. Et dans mes jours, et dans mes nuits, et dans de nombreux aspects de ma vie, parce que si je ne suis pas réductible à elle, elle fait invariablement partie de moi, à priori pour toujours. Le plus triste, c’est qu’il ne devrait pas y avoir à expliquer tout ça si longuement. Encore une fois, c’est dans l’intitulé.
Une maladie chronique incurable ne peut pas être ignorée, ne peux pas être isolée, ni contrôlée, et encore moins vaincue. Sinon, ce ne serait pas une maladie chronique incurable. Je pense vraiment que ce n’est pas une bonne chose d’encourager un spoonie à se battre contre sa maladie. D’abord parce qu’elle est à priori invincible. Et surtout parce que je crois qu’il ne faut pas la voir comme une ennemie. Elle est une partie de notre vie. Une partie pénible, certes, mais une partie qu’il faut absolument accepter et s’approprier sous peine de souffrir et de se mettre en danger. C’est uniquement comme ça qu’on peut progresser et avancer. Quand on est un spoonie, c’est sans doute une importante leçon à apprendre : on ne lutte pas « contre » une maladie qu’on ne peut pas vaincre.
On lutte. Avec elle.
Hello à tous, j’ajoute ce commentaire pour insister sur quelque chose qui n’était peut-être pas suffisamment clair :
Ces exemples que j’ai choisi, ce ne sont pas des mots qu’il ne faut surtout pas prononcer, ce ne sont pas des « erreurs ». Si j’ai longuement expliqué ce que ces mots pouvaient faire ressentir, c’est pour essayer de mettre en lumière ce qu’il y a derrière eux, derrière l’intention avec laquelle ils sont prononcés. C’est ça le sujet de l’article, c’est ça que je veux montrer, car c’est bien ça qui peut nous heurter, nous faire un pincement au coeur, ou causer des problèmes de communication.
Ce texte n’est pas un reproche ou une liste de mots interdits. C’est seulement un outil pour mieux comprendre ce qui se passe dans la tête et la vie d’un spoonie en s’appuyant sur des exemples, que j’ai choisis justement parce qu’ils sont, pour la plupart, très ordinaires.
Alors si vous lisez ce texte et que vous vous sentez visé parce que vous êtes un proche de spoonie, essayez de regarder les choses sous un autre angle. Vous avez surement prononcé certains de ces mots, c’est normal. Maintenant, si vous devez vous poser une question à la suite de la lecture de cet article, ce n’est pas « est-ce que j’ai dit des trucs qui ont pu blesser dans le passé ? » mais plutôt, et laissez-moi vous poser directement la question : avez-vous le sentiment que ces exemples vous ont permis de mieux comprendre certaines des difficultés de la vie des malade chronique, et la charge émotionnelle que ces difficultés impliquent?
Si la réponse est oui, c’est super et c’est ça qui compte.
Bravo pour cet article criant de vérité. Effectivement, ce genre de phrases « gentilles » , nous font plus de mal que de bien.
Voilà un article qui donne des sueurs froides (d’inquiétude) et qui est pourtant si génial ! C’est un article d’utilité publique que je relirai de temps en temps, et ferai lire à d’autres. J’ai hâte de découvrir encore les conseils et partages d’éventuels autres spoonies, avec un mélange de terreur d’avoir tant fait d’erreurs et d’enthousiasme d’enfin savoir mieux m’exprimer. Cela s’apprend de communiquer, qui que soit la personne en face, et d’autant plus quand elle est dans une situation de fragilité. Alors MERCI de tendre la main non seulement aux spoonies qui se reconnaîtront certainement ici, mais aussi aux proches que tu aides énormément par cet article.
Je me pose une question, et si d’autres que toi peuvent me répondre également j’en serais très heureuse : la phrase de fin de conversation « repose toi bien » pose t elle problème ? L’avez vois deja prise comme une injonction (quand on voudrait qu’elle ne soit qu’une attention et qu’un souhait). Évidemment,je me doute que le sujet est complexe car chacun selon sa susceptibilité (légitime !) du moment peut être blessé par des mots qui se veulent anodins. Mais justement, j’aimerais avoir vos avis subjectifs concernant cette petite phrase unique.
Je remarque à la lecture de cet article, alors même qu’on en a déjà beaucoup parlé car j’ai souvent peur de mettre les pieds dans le plat (en même temps je me connais…), qu’être extérieur à cette souffrance ne me permettra jamais de prévenir complètement la réception de l’autre. D’autant plus en situation de soins si c’est un inconnu… Cette pensée m’attriste. Mais les exemples de phrases acceptables que tu rajoutes à chaque fois sont une véritable mine d’or. Ces phrases délicates que tu as choisi ont toutes un grain minuscule qui fait détailler les rouages, et qu’il faut s’exercer à trouver, en s’obligeant à élargir son regard. J’essaierai d’élargir mon regard de soignante. J’espère que, comme tu l’annonces, nous en découvrirons encore d’autres à l’avenir. En tout cas ça valait le coup de l’attendre cet article ! Merci pour ce que tu fais.
Hey ! Ton commentaire me touche beaucoup.
Alors déjà, je voudrais dire qu’à mon avis ce ne sont pas des « erreurs » de prononcer parfois des mots hasardeux, surtout quand c’est fait avec de bonnes intentions ! Je crois même que c’est parfaitement normal de devoir en passer par là à un moment, quand on apprend encore à comprendre la vie et les contraintes de la personne malade, et ses émotions par rapport à tout ça. Donc non, ce ne sont pas des « erreurs » ou des mots à ne surtout pas prononcer ! (Bon, y’a peut-être un ou deux des exemples que j’ai cité qu’il faudrait vraiment essayer d’éviter, quand même .. Mais bref ! Rien de gravissime non plus isolément).
Alors j’aimerais bien aussi que d’autres spoonies répondent à ta question, même si je pense que pour chacun ou chacune d’entre nous, ça dépend aussi du contexte. Perso, oui, « repose-toi bien! » peut me hérisser, par moment, quand je suis dans un mauvais jour, que je suis à court de cuillère ou que je suis en colère d’être épuisée. Ça paraît tellement naïf comme truc, « repose-toi bien » ! AH BAH OUI JE VOUDRAIS BIEN MOI ! Mais c’est que je passe ma vie entière à essayer désespérément de me reposer, en était toujours aussi fatiguée! XD me reposer c’est la dernière chose que j’ai envie qu’on me souhaite du coup !
Alors que la plupart du temps ou dans un autre contexte, je vais prendre ça comme ce que c’est (une formule toute faite), et ça me posera aucun problème…
Mais à une époque j’y avais pensé, et j’en étais arrivé à la conclusion que plutôt que les « repose-toi bien » ou « récupère-bien! » , l’idéal est une autre formule toute faite et pourtant si souvent plus douce : « prends soin de toi ».
Oh je me souviens quand on me disait ça, peu après le diagnostic où je me débattait entre les traitements des médecins et les conseils de mes proches… « Prends soin de toi ». J’y entendais : TU sais ce qu’il te faut, je te souhaite et t’autorise à faire les choses à ta façon pour aller aussi bien que tu peux. Pour moi, c’était l’idéal en terme de formule. Mais ce ne sera pas forcément vrai pour d’autres ou tout le temps, c’est juste une réflexion que je m’étais faite à ce moment là 🙂
Au final, et comme pour ce que je décris dans cet article, ce qui peut faire de la peine ce ne sont pas les mots eux même : c’est ce qu’il y a derrière 🙂
Merci encore pour ton long commentaire, je suis contente si tu trouve de la ressource dans ce texte ♥️
Oh oui, et tu as raison de remettre les choses au clair avec ton commentaire rajouté en tête. C’est bien plus juste. C’est vrai que cette lecture permet de découvrir toute la charge émotionnelle qui est présente et que l’on remue par nos paroles.
Continue à prendre soin de toi. 😉
GG pour cet article ! Il est super!
J’apprécie grandement sa mise en forme, ne laissant pas les proches seulement avec ce qu’ils ne doivent pas faire! Ça permet notamment de pas les laisser dans la panade, à ce demander ce qu’ils peuvent du coup bien dire!
Et puis l’article peut aussi sûrement être un outil éducatif utilisables par les autres spoonies et c’est cool!
La fin est aussi vraiment très bien!
Bon courage pour la suite du blog!!
Mea culpa, j’ai du faire à peu près toutes ces reflexions et bien d’autres, comme tous les proches , et c’est vrai que c’est pas cool. Heureusement petit a petit tu nous éduque et cet article permettra certainement à d’autres proches d’être plus subtil. Mais en fait si tu appliques certains principes après c’est plus simple non seulement de ne pas blesser , mais d’aider l’hypersomniaque , puisque c’est la maladie que je connais par toi:
1- il faut faire confiance au malade c’est a dire ne pas remettre en cause ce qu’il exprime PAR EXEMPLE DANS LE CAS DE LA PROPOSITION DE SORTIE, SI LE MALADE DIT » NON C’EST GENTIL MAIS JE NE PEUX PAS » on évite ainsi d’insister
2- Il faut essayer de vivre avec lui a son rythme . Je m’explique: je viens de realiser qu’a vouloir t’aider lorsque je venais te voir alors que je vivais à mon rythme a côté de toi qui ne pouvais pas faire autrement que de vivre au tien , je ne faisais que te mettre la pression et créer des tensions
Pour un hypersonique tout prend plus de temps : faire les courses , faire sa toilette ou s’habiller , se nourrir . Sa disponibilité n’est pas la notre car il ne peut jamais savoir quand il sera en forme ou pas .
Alors j’ajoute un conseil aux proches : autant que possible essayer de respecter le rythme de l’hypersoniaque dans les moments où vous êtes avec lui. Il y gagnera en sérénité et vous y gagnerai tous les deux en qualité de vie ensemble.
Je pense que les conseils très interessants que tu as ajouté peuvent s’appliquer à beaucoup d’autres cas que seulement les hypersomniaques ! Et ce que tu dis met en lumière quelque chose, je trouve : pour pouvoir s’adapter, il faut déjà se rendre compte et comprendre les limites de la personne ! Et cela passe par des tentatives au début hasardeuses, et c’est bien normal! 🙂
Merci pour ton commentaire !
Le premier point est vraiment un conseil en or ! La confiance est très importante, et j’imagine que se savoir soutenu ainsi quand on est malade est extrêmement porteur.
J’ai beaucoup ri à la coquille « hypersonique ». C’est une bien belle appellation !
La phrase avec laquelle j’ai du mal perso, c’est la fameuse question : » comment ça va? » Au début de ma maladie, je me sentais coupable de toujours répondre : « Je vais mal ». Parce que c’est la réalité, je ne vais jamais bien. J’avais peur de saouler les gens et qu’ils me fuient, de les gêner avec ma réponse toujours négative. Mais un ami m’a dit que si je ne vais jamais bien, faut le dire et être honnête. Les gens le prennent comme ils veulent mais c’est la réalité de mon état et faut que je l’accepte et que les autres l’acceptent aussi. Des paroles qui m’ont fait tellement de bien. Maintenant je n’ai plus peur de répondre à cette question par la négative. Et certains de mes amis ont même compris et ne me posent même plus la question.
Autre question que je déteste : « quoi de neuf? » Je n’ai jamais rien à raconter vu que je ne peux rien faire. A part détailler de long en large mes différentes siestes ou bien comment au bout d’innombrables efforts j’ai réussi à plier mon linge ou manger, je ne vois pas bien ce qu’il y aurait de neuf pour moi. Et cette simple question, quoi de neuf, me rappelle à quel point ma maladie me tient prisonnière.
En fait, des phrases courantes et anodines qui ne me dérangeait en rien avant ma maladie.
Les gens sont plein de bonnes intentions mais ils ne se rendent pas compte que de simples mots peuvent être dévastateurs pour un malade chronique, qui de base se sent incompris et isolé.
Merci d’avoir écrit ce témoignage qui aidera pas mal de monde je pense.
Woaw, j’aurais presque pu écrire ce commentaire. D’ailleurs, le « comment ça va? » était dans la liste d’origine des phrases dont je voulais parler, mais ça faisais un peu doublons avec d’autres. J’ai préféré traiter le « ça va mieux ?», du coup.
J’ai aussi fini par trancher pour le « comment ça va ». Je me rend compte maintenant que je décline tout simplement des nuances de degré de fatigue, quand on me demande, en fonction de mon état. Genre « fatiguée! » ou « crevée » ou « épuisée aujourd’hui ». Sans avoir à m’étendre, ça répond à la question, et c’est l’exacte véritée..! Comme tu dis, il faut l’accepter et que les gens l’acceptent aussi.
Quant au « quoi de neuf »..! Autant avec quelques personnes les plus proches de moi, je peux raconter effectivement les petites victoires comme la lessive ou la vaisselle, je trouve des petites choses de ce genre à dire… Mais avec des amis plus éloignés ou des simples conaissances… Arf. C’est horrible. Ca te rappelle à quel point il se passe peu de choses dans ta vie. Parce que c’est pas tout le monde qui va s’interesser à tes histoires d’heure de lever ou savoir si t’es contente d’avoir pu cuisiner pour la premiere fois de la semaine. Et puis même, à part auprès des personnes très proches et complices, c’est clairement pas ça que tu veux mettre en avant quand on te demande « quoi de neuf dans ta vie », quoi. Je pourrais pas trouver de meilleurs mots que toi : ça rappelle à quel point la maladie nous tient prisonnières.
Et tu vois, ça me fait penser à un des pires moments de la semaine pour moi à l’époque où je bossais : la pose clope du lundi matin. Tout le monde raconte son week-end, certains ont fait des activités, des soirées, ciné, resto ou autre… Mais le pire c’est ceux qui répondent « pas grand chose » et puis énumèrent finalement, comme si c’était rien, qu’ils ont « juste » été au magasin de bricolage, réparé leur porte de garage, regardé un film et fait une petite balade en famille (et tu sais qu’ils ne comptent pas les courses, le ménage, les repas, parce que ça va de soi, ah ah AH !). Et toi, tu souris alors que t’as envie de tout casser. Parce que ton week à toi c’était une nuit de 40 heures entecoupé de 8 heures de galère totale où t’aura à peine réussi à te laver et avaler des plats tout prêts…
Bref, vraiment merci pour ton commentaire, et d’avoir ajouté ces deux phrases. C’est très bien dit, je m’y reconnais beaucoup, et je pense que je ne serai pas la seule 🙂
Aïe aïe aïe.. je me reconnais bien dans la partie du ménage…😅
Effectivement je confirme que c’est très, mais alors terriblement frustrant de se sentir impuissant ou d’avoir l’impression de ne pas faire assez pour aider un spoonie. Mais effectivement il fait bien comprendre que c’est leur vie et leur imposer notre aide c’est nous imposer dans leur vie, mieux vaut proposer, et être dispo au cas où comme tu le dis. Sans parler du sentiment d’accomplissement que ça doit être de parvenir à faire une tâche malgrés l’épuisement.
Enfin bref très bel article, comme d’habitude !
Je découvre ton blog en faisant des recherches sur la narcolepsie (Je me demande si je ne suis pas narco « légère » sans cataplexie. J ai organisé ma vie pro en fonction de ses problèmes que j’ai toujours nié en être. Je suis actuellement en télétravail mais je tremble a l’idée de devoir reprendre un boulot « classique ». Et pourtant comparée à la tienne ma vie est normale. Je conduis, je sors, j’ai un amoureux et une fille. Je ne trouve pas de mots à part te dire courage. Même si tu ne fais que ca etre courageuse. Ton blog m a énormément touché. J aimerais continuer à le lire car déjà tu écris super bien !!! J ecris des histoires depuis peu de fiction et je compte écrire un roman mais j avance très lentement (Je procrastine énormément a cause de mon état si j ose l appeler ainsi). Tu as un don d écriture réel. J’ai vraiment envie de connaître la suite de ton histoire. Ne lâche pas l’écriture. Même si c’est difficile. Les journées ou tu réussis à écrire c’est une victoire contre cette scrogneugneu de maladie. Et les jours ou tu n écris pas et bien essaye de ne pas culpabiliser. Je t envoie tout mon soutien.
Ps : quand je parle de mon « état » je tiens bien à préciser qu à coté du tien cest évidemment « du pipi de chat ». Je n arrive pas a croire que les medecins du travail ne t aient pas prise au sérieux. Ça paraît pourtant tellement évident : tout le monde adorerait dormir 20h00 par jour sans avoir de vie, perdre son boulot et sa vie sociale. C est bien connu que c est le rêve de tout à chacun. Pfff ces personnes sont à vomir…
Merci infiniment Juju pour ton commentaire !
Puisque tu écris toi aussi, tu le sais : les retours sur notre travail sont une source énorme de motivation. Je suis vraiment touchée que tu aies pris le temps de m’écrire pour manifester ton intérêt pour ce blog et ton envie de le suivre. (Pour être tenue au courant des nouveaux articles, tu peux t’abonner à la newsletter, si tu le souhaite bien sûr. https://spoonie-ville.com/newsletter/ )
D’ailleurs, si tu partages quelque part ce que tu écris, n’hésite pas à poster le lien en commentaire ici, et je me ferai une joie de le partager sur Twitter !
Concernant ta santé, j’espère que tu pourra trouver des solutions pour réussir à garder ton équilibre en main, comme tu le fais par le télétravail ; si jamais tu es en recherche de diagnostic, certaines aides pourraient t’aider (par exemple la RQTH, qui permet d’obtenir une reconnaissance du handicap au travail, et donc des adaptations de poste / propositions de travail adapté). Si jamais (aujourd’hui ou plus tard) mon expérience peut t’être utile d’une façon ou d’une autre, tu peux trouver mon adresse mail dans la rubrique contact du blog, n’hésite pas.
Et par rapport à ce que tu dis concernant ton état ; si tu es tombée sur ce blog parce que tu faisais des recherches concernant ta santé, que tu es capable de me parler spontanément de la difficulté et de la culpabilité que l’on peut ressentir en étant pas aussi productif qu’on le souhaiterait, et te reconnaître dans certains des mots que j’écris : c’est que ton existence est affectée par ce problème de sommeil. Il n’y a pas, pour moi, d’échelle de légitimité. D’ailleurs, je vois parfois des gens, des amis proches, qui ont un problème dans leur vie, et qui me disent « je ne devrais pas me plaindre, à côté de toi… » mais même si je suis assez sévèrement invalidée par la maladie chronique, j’ai aussi plein de chances, dans la vie, que d’autres n’ont pas. Certains ont un handicap apparemment « moindre » , mais qui a un impact bien plus sévère sur certains aspects de leur vie.
Alors je t’en prie, n’hésite pas à partager ton ressenti et à comparer nos vécus ou t’approprier certains des mots que j’écris sur ce blog, si tu en ressens l’envie.
Merci encore, et au plaisir de te retrouver par ici dans les commentaire 🙂
re Bonjour Spoonie,
Je me suis abonnée à la newsletter 🙂 Je t’écris aujourd’hui de mon PC et du coup ça sera plus lisible (hier c’était depuis mon portable et j’écris très mal avec.)
J’espère que ta journée se passe pas trop mal et que tu es réveillée et a pu faire quelques trucs. Moi cette nuit j’ai mal dormi donc j’ai craqué et ce matin j’ai dormi de 9h00 à 10h00 (j’ai pensé à toi en me couchant, je t’ai envoyé une petite pensée pour te dire : tu n’es pas seule à dormir à cette heure) et ensuite de 14h30 à 15h30. Et là ça y est j’ai enfin de l’énergie mais oups ma journée de travail est quasi officiellement finie….. mais je me sens bien avec de l’énergie. Après ma sieste de 10h00, le temps que j’émerge il était 11h00, j’ai pris ma douche et je suis allée chercher ma fille à l’école (elle mange avec moi les lundi et mardi). Le temps qu’on déjeune, que je la ramène et que je revienne il était 14h00, à 14h30 craquage et sieste. Réveil à 15h30, j’ai passé qqes coups de fil pour le boulot et répondu aux mails. Et là je t’écris rapido avant d’aller chercher ma fille à 16h30. J’ai des jours meilleurs si je passe des nuits meilleures (celle nuit là était particulièrement pourrite). Si je pouvais je te donnerai un peu de l’énergie que j’ai là maintenant car ouah ça fait tellement du bien 🙂
J’ai envoyé une demande de dossier au réseau morphée, je ne sais pas si tu connais. Selon tes réponses à un questionnaire ils te filent rendez vous avec un médecin par courrier. J’ai préféré faire ça qu’en parler à ma doc même si elle est géniale. Car en effet, il se pourrait que j’ai une autre maladie auto immune (le syndrome de Cogan) donc elle est déjà sur ce dossier là et j’avais tellement peur de passer pour une hypocondriaque qui s’invente des maladies. ¨Pour le Syndrome de Cogan c’est moi qui ai trouvé sur internet parce que j’ai eu une attaque grave à l’oeil cet été ( uvéite infectée) + un vertige type MEsnières dans les deux mois qui ont suivi et sont symptomatiques de cette maladie. Pour l’oeil j’ai bien la dystrophie de Cogan (à différencier du syndrome, qui est plus grave) mais pour le syndrome je passe des tests ORL. Le syndrome de Cogan rend sourd dans les deux ans et l’ORL m’a bien dit que mon audition n’était pas normale pour quelqu’un de mon âge. Je dois le revoir en mai pour voir l’évolution. Je serai appareillée très jeune (j’ai 36 an) d’après l’ORL car mon audition est vraiment bof mais pour l’instant j’entends encore bien et je ne me sens pas handicapée par ça donc je garde le moral. Ma possible narcolepsie n’a rien à voir je précise car les problèmes de sommeil je les ai depuis l’enfance. J’avais donc peur de bassiner ma doc avec ça et j’ai préféré passer par ce réseau Morphée, en espérant que j’obtienne un rendez-vous. Voilà tu sais tout de mon histoire médicale.
Pour les compliments sur ton écriture, je suis ravie qu’ils t’aient reboostée et sache que c’est vraiment sincère de ma part, j’ai pour habitude de dire toujours ce que je pense (ce qui parfois peut être un problème).
Voici le lien vers une nouvelle que j’ai écrite (la seule d’ailleurs car l’autre est « en cours »). Mais je n’aime pas le format de ce site car on est limités en terme de mots donc j’ai du sévèrement tronquer ma nouvelle. Si elle te plaît je peux t’envoyer l’intégrale par mail. Bon c’est une histoire qui fait peur donc évite peut être de la lire de nuit ^^
Bon courage pour la suite, je t’envoie plein d’énergie !
https://short-edition.com/fr/oeuvre/nouvelles/ernest-2